Le majestueux fjord du Saguenay ou 5 jours de navigation à notre agenda

Il y a quelques années, ma copine et moi sommes partis 5 jours en expédition de kayak de mer pour admirer le Fjord du Saguenay. Voici le récit de mon souvenir.

Jour 1 : Saint-Félix-de-Valois → Camping SÉPAQ Baie Sainte-Marguerite

Grand départ de Saint-Félix de Valois ! Ma copine et moi quittions en voiture jusqu’à Sainte-Rose-Du-Nord, point de départ de notre périple en kayak de mer. Une fois la rive nord du Fjord atteinte, direction Sacré-Coeur et la Ferme 5 Étoiles pour régler le transport de la voiture et se trouver un camping pour la nuit. En effet, notre toute première interrogation était de trouver un moyen pour récupérer notre voiture une fois arrivés à Tadoussac, notre destination finale. La Ferme 5 Étoiles est un service de navettes. Quelqu’un était venu récupérer notre voiture à Sainte-Rose-Du-Nord pour la déposer à Tadoussac. Pratique ! Ce n’était pas la première fois que nous utilisions ce service, nous n’avons jamais rien eu à y redire.

Nous avons donc campé dans un camping du parc de la Sépaq, sur la Baie Sainte-Marguerite, pour nous rapprocher un peu plus de notre point de départ. À part les insectes, il n’y avait personne. Quelques villages en chemin, ainsi que deux pavillons de la Sépaq. Notre seul moyen de communication demeurait la radio VHF. Le téléphone cellulaire ne fonctionnait pas, je ne sais pas ce qu’il en est actuellement. Préparer le plan de route et le matériel, prendre une bonne bière, le tout devant un bon feu, tel fut le plan de notre soirée. 

J’avais pris le temps d’indiquer à mon frère notre itinéraire approximatif. Puis j’avais également fait des réservations pour 4 nuits, entre la rive sud et la rive nord. Nous avions planifié d’aller de la rive sud à la rive nord à deux reprises. D’ailleurs, il est habituellement recommandé de rester sur un seul côté du Fjord. 

Jour 2 : Sainte-Rose-du-Nord → Baie-Éternité, camping Delta (environ 13 miles / 1 mile nautique = 1,852 km) 

C’était notre première grosse expédition. Nous avions fait 3 jours sur la Saint-Maurice l’année d’avant (La Tuque / Grandes-Piles), mais cette fois-ci, nous avions un plan d’eau bien différent. Un peu plus vaste avec un peu plus de vagues et une nouveauté : les marées. J’ai donc expliqué à ma copine que se trouver à cent mètres du bord ou à un mile au large représente à peu près la même chose. Les vagues dans le dos et le surf ¹, c’était finalement agréable. Qu’il est toujours plus efficace d’atteindre le jusant ! ²

Nous venions d’arriver à la jeté de Saint-Rose-du-Nord lorsqu’un monsieur s’est avancé vers nous. Il nous fallait payer 2 $ par kayak pour les assurances de la municipalité. Je ne sais pas comment cela fonctionne aujourd’hui. Avant de débuter l’aventure, nous étions allés dans un petit restaurant juste à côté du quai pour manger un club sandwich. C’est bientôt le départ ! Nous continuions les préparatifs : remplir les kayaks et bien sûr, s’habiller.

Le plan d’eau était calme avec un vent quasi inexistant et une température tout simplement parfaite. Et en plus de ça, le paysage était magnifique : des falaises des deux côtés du Fjord immense ! Des ingrédients plus que parfaits pour nous débuter cette expédition. Au début de chaque voyage que j’entreprends, j’ai toujours le corps qui fonctionne au ralenti. J’ai besoin de quelques miles pour retrouver mes sensations. Comme je ne suis pas un adepte du réchauffement, je préfère une session d’étirements puis réchauffer mon corps à coups de pagaie, quitte à être un peu plus lent pour une heure. Je compare cela à traîner au lit en se réveillant, pour mieux émerger…

Lorsque nous étions dans la deuxième heure du jusant, nous allions franchir notre première journée en moins de 4 heures. J’avais une carte marine avec nous mais pour retrouver nos campements, je me servais d’une carte de la Sépaq. Et selon cette dernière, notre premier campement se trouvait au fond de la Baie-Éternité. Je savais qu’il nous fallait repérer des yeux un drapeau du Québec. Il nous aura fallu longer le rivage et chercher pendant une bonne dizaine de minutes le drapeau au loin. Trouvé ! Nous allions faire notre première nuit de camping sur le Fjord alors que ma copine découvrait ses premières battures³. L’affreux plaisir de marcher dans la vase avec tout son matériel en main. Joie !

Le camping Delta est un emplacement disponible autant pour les kayakistes que pour les randonneurs. L’endroit est sympathique et assez reculé. Comme nous étions en début de saison et en début de semaine, il n’y avait personne. Nous étions donc seuls ce soir-là, sauf peut-être les quelques animaux qui nous tournaient autour. Je ne suis pas expert en crottes d’animaux, mais je me souviens qu’il y en avait énormément ! Ours ? Chevreuils ? Orignaux ? je ne pouvais pas dire…

Jour 3 : Baie Éternité, camping Delta → Baie Sainte-Marguerite (environ 13 miles)

Même distance que notre première journée, mais cette fois-là, nous avions eu droit à un joli vent de face. Le sentiment de ne pas avancer était bien présent ! Et la fatigue et la faim étaient au rendez-vous. Sûrement est-ce moi qui en demandais trop. Bien évaluer la force de chacun et couper les distances entre les relais sont à prendre en considération lorsqu’on part en expédition.

Une fois le petit déjeuner pris et les affaires rangées dans le kayak, nous nous étions dirigés vers l’accueil pour remplir nos bouteilles d’eau. Nous étions dans la section de Baie-Éternité et il n’y avait pas d’eau potable sauf des bouteilles de 500 ml vendues sur place. Pour remplir nos bouteilles, j’allais à la salle de bain et j’utilisais ma pompe à eau filtrante MSR. En plus de nos réserves d’eau sur nos VFI (1,5 L), nous avions environ 3 à 4 litres chacun en réserve. Ce n’est pas une quantité énorme, mais il y a toujours des sources d’eau à chaque emplacement de campement. Chaque matin représentait une session de pompage. Certains de mes amis ont pour habitude de pomper leur eau en plus d’ajouter des capsules pour créer une double protection. Quelques personnes du coin nous disaient que l’eau était bonne et qu’il n’y avait pas de problème. Personnellement, un petit pompage juste au cas me convenait.

Débutait ensuite notre plus grosse journée du voyage : longer la rive droite juste en amont de l’Anse-Saint-Jean et ensuite traverser le Fjord. Puis couper en diagonale et cap vers la rive gauche. Si à ce moment-là vous avez une envie, je suggère d’y aller avant car cela peut prendre un certain temps ! S’il y a quelques petites vagues de face, il est possible de trouver le temps long pour rejoindre l’autre rive. 

Habituellement, je quitte toujours à l’étale, juste avant le jusant. La mise à l’eau avec un kayak chargé est ainsi plus facile. Et de plus, avec la marée qui descend, j’espérais améliorer ma vitesse. Si je compare à certains endroits sur le fleuve, comme l’Isle aux Coudres, la rive nord ou encore sous le pont de Québec, il me semblait que les courants des marées étaient moins rapides sur le Fjord, surtout en amont de l’Anse-Passe-Pierre. Mais il en est tout autre.

Ce qui nous avait pris quelques heures la veille pour la même distance, cette journée-là nous avions le sentiment que nous n’y arriverions jamais. Mon objectif de la mi-temps était de se rendre jusqu’aux Îlets Rouges, une petite île charmante avant l’Anse-Gagnon pour casser la croûte. Mais finalement, cap sur la berge d’en face de l’Anse-Saint-Jean où nous avions trouvé un petit rocher tranquille pour savourer une superbe soupe Chunky bien chaude. Cela remonte le moral !

Départ pour se rendre à notre deuxième campement. Nous avions quand même décidé de nous arrêter aux Îlets Rouges. Selon les informations d’un précédent voyage avec un guide, cette île servait de zone d’observation aux amérindiens. En hauteur, se trouve une petite grotte où il est possible de se mettre à l’abri du mauvais temps en plus d’avoir un point d’observation sur tout ce qui se passe sur le Fjord. Un endroit idéal et un arrêt obligé si vous visitez le Fjord.

Dernier effort pour atteindre l’Anse à Tanis, notre deuxième campement du voyage. Il était temps pour nous d’arriver. Pour être déjà venu auparavant dans ce coin, j’avais une vague idée de où l’endroit se trouvait, un peu avant la baie Sainte-Marguerite mais je ne pouvais mettre un point sur la carte.

Alors que nous croisions une gigantesque paroi rocheuse, comme par magie après la virage, c’était le campement. Nous étions à la 4ème heure du jusant et avons eu droit à un petit portage. 

Un exercice peu agréable sur les algues car le risque de glisser est assez élevé. Une fois devant l’emplacement, deux garçons installés tranquillement devant un feu nous ont salués. Un peu comme moi, ils étaient étonnés de rencontrer d’autres kayakistes. Comme nous étions tôt en saison, ils s’attendaient à être seuls.

Mes amis Éric et Daniel font le Fjord du Saguenay depuis quelques années et se retrouver entre amis est un peu comme leur rituel annuel. Nous les avons croisés et comme nous prenions le même chemin, nos routes se sont poursuivies ensemble jusqu’à Tadoussac. 

Jour 4 : Baie Sainte-Marguerite → Pointe à Passe-Pierre (environ 9 miles) 

Initialement, nous étions supposés passer une nuit supplémentaire sur le Fjord et atteindre l’autre rive ensuite. Une météo peu clémente était annoncée pour les jours qui suivaient. Nous avions décidé de continuer jusqu’à la Pointe à Passe-Pierre, pour ensuite faire une sortie de plan de route à Tadoussac, une journée plus tôt.

C’était la première fois que j’allais jouer dans les environs de Tadoussac, là où le Fjord se jette dans le fleuve Saint-Laurent. J’ai beaucoup lu sur cet endroit mais je ne savais pas trop comment l’attaquer. D’après la littérature et selon les heures des marées, la situation pouvait être intéressante : courant plutôt fort, clapotis et, bien sûr, gérer les trois traversiers. Être plusieurs pour une première fois était un plus à notre sécurité.

Sans faire trop de bruit, nous avons quitté le campement de la baie Sainte-Marguerite. Nous étions dans la zone des bélugas et nous nous apprêtions à traverser la baie. Toutefois, au loin, nous pouvions apercevoir le « village » de l’Anse-de-Roche. Avec les gars, il était décidé que nous nous arrêtions au restaurant de la marina. Un petit restaurant / bistro fort sympathique. Manger une chaudrée de palourde, un panini jambon et une salade… sans oublier l’entrée de nachos avec fromage et tomates… Le Bistro du Fjord n’était pas ouvert à l’année à ce moment-là. De plus, il arrivait parfois que le chef s’absente entre les heures de repas, alors certains repas sur le menu n’étaient pas disponibles. Il était donc préférable de vérifier à l’avance.

Il nous restait encore quelques kilomètres pour atteindre notre 3ème campement, Pointe à Passe-Pierre. Là-bas, il est assez important d’arriver avant que la marée ne soit basse. L’estran⁴ est assez long, ce qui rend la fin de journée ennuyante quand le kayak est plein. Mais cela faisait partie du jeu. Nous étions arrivés assez tôt et passés à la droite de la presqu’île, la portion en aval, car il était plus facile d’accoster et de transporter le matériel sur la berge. De l’autre côté, en amont de la presqu’île, l’estran est plus long, plus glaiseux en plus d’être parsemé d’une multitude de roches. Bref, j’ai fortement suggéré de passer par la partie en aval de la presqu’île, celle qui vous apporte à la berge. Même à la 4ème heure de marée descendante, il est possible de passer et d’atteindre la berge.

La Pointe à Passe-Pierre a cette particularité d’avoir ses plateformes en hauteur. Pour installer nos tentes, il nous a fallu monter les escaliers. Il y avait également un abri-cuisine à mi-chemin, des campements éparpillés, une source un peu plus loin, des toilettes sèches et un sentier pédestre qui traversait le tout. Premier campement sur la rive nord de Tadoussac ! Nous avions rencontré quelques randonneurs qui venaient aussi y passer la nuit. Pour faire un feu, nous avions deux possibilités : une non loin de l’abri-cuisine, à mi-chemin des escaliers et l’autre en bas, non loin de la berge. Comme l’abri-cuisine était un peu en forêt, à l’abri du vent, inutile de dire que le monde des bibittes y était plus nombreux.

Daniel, avec sa hache et pendant presque une heure, se lançait frénétiquement dans la coupe de bois. Pour ce soir-là, nous avions fait un feu digne de la Saint-Jean. Nous avions apporté de quoi fêter, c’était notre dernière soirée sur le Fjord. Direction la plage de Tadoussac le lendemain.

Jour 5 : Fin du plan de route : Pointe à Passe-Pierre → Tadoussac

Il nous restait un peu plus de 5 miles (environ 9 km) pour cette dernière journée. Destination Tadoussac ! Départ pendant la marée montante, 2 heures avant l’étale et le jusant. Le but de l’opération était plutôt simple : éviter de transporter nos kayaks lourds pour sortir de l’Anse à Passe-Pierre et arriver à marée haute sur la plage de Tadoussac.

Cette journée fut la plus relax et la plus zen de ce voyage. Pas de vents, pas de vagues et un superbe soleil. À maintes reprises, nous nous arrêtions pour prendre des photos ou fumer une cigarette. Le radeau en plein milieu du Fjord, nous nous laissions porter par le courant. Nous savourions ces derniers instants. Une fois le cap de la Boule passé, nous avons finalement aperçu le fleuve au loin et les traversiers. Les parois rocheuses de chaque côté du fjord, rendait cet endroit vraiment magique. L’Anse-à-l’eau… le moment le plus compliqué. Trois traversiers en alternance, il fallait être rapide au départ de l’un pour éviter l’arrivée de l’autre. Si vous avez une radio VHF, il est possible d’écouter les communications des capitaines : « George, t’as des kayaks en arrière de toi ! » Je me demande si l’on dérangeait ou s’ils étaient heureux de voir des kayakistes découvrir leur région. Ils faisaient leur travail, nous ne faisions que passer.

Direction Baie de Tadoussac et sa plage. Pointe de l’Anse-à-l’Eau, Pointe de l’Islet : nous arrivions devant la marina. Fait à noter : il peut y avoir beaucoup de circulation. Jeter un petit coup d’œil au tournant du quai n’est pas à négliger car c’est le lieu de départ de plusieurs expéditions pour aller observer les baleines.

Nous n’avons pas vraiment eu besoin de marcher sur la plage, nous étions en pleine haute mer. Ainsi s’est terminé mon premier fjord au complet. Si les Éric et Daniel embarquaient leurs kayaks et se lançaient immédiatement vers Montréal, ma copine m’invita pour quelques jours visiter le Paradis Marin. Vive la mer…

¹ surf : manoeuvre visant à faire glisser l’embarcation sur le mur et l’épaule d’une vague.

² jusant : marée descendante

³ battures : terme le plus souvent utilisé au pluriel et désignant la région du rivage qui se couvre et se découvre au rythme des marées.

⁴ estran : (n.m.) section du littoral qui se couvre et se découvre selon le cycle de la marée (zone située entre la laisse de haute mer et celle de basse mer)

Sources pour la définition des mots :

Manuel technique du kayak de mer, Dany Coulombe  

Par Patrice Vaillancourt, moniteur de kayak de mer

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